Que se passe-t-il au Mouvement Réformateur ? Le parti libéral, composante historique de la démocratie belge depuis le 19ème siècle, s’est fortement droitisé depuis plusieurs années… Au point de finir à l’extrême droite ? Certain.es n’hésitent plus à poser la question, voire à l’affirmer. Quel serait dans ce cas-là le rôle des médias ? Analyses.
- Qualifier l’extrême droite
- Rejet xénophobe de l’immigration et politiques sécuritaires
- L’islamophobie, caractéristique récurrente des extrêmes-droites européennes contemporaines
- Questions de genre : sexisme ordinaire, traitement laconique et fémonationalisme
- Hostilité face aux syndicats et aux médias
- Le Far West des Réseaux Sociaux
- Le MR est-il un parti d’extrême droite ?
- Départs du MR
- Cordon sanitaire et rôle des médias
Début 2024, le Mouvement Réformateur annonce l’arrivée de Marc Ysaye, ancien animateur radio de la RTBF. A l’annonce de l’arrivée de celui-ci au sein du parti libéral, de nombreux tweets sont exhumés sur son profil X. Le nouveau membre du parti libéral y multiplie ses sympathies : à Marion Maréchal-Le Pen niant l’antisémitisme du fondateur du FN, à Jordan Bardella président du Rassemblement National, à Jean Messiah et Samuel Lafont, soutiens de Zemmour à la présidentielle, à Damien Rieu de Génération identitaire… Interrogé sur le sujet, le président du parti Georges-Louis Bouchez avait répondu “Je ne soutiens pas les personnalités mais sur la phrase qui était là, moi je pouvais être d’accord avec une série d’entre elles.” Sic. Le même président avait d’ailleurs déclaré « avoir du respect pour Eric Zemmour ».
Qu’il semble loin le temps du « libéralisme social » de Louis Michel. Aujourd’hui, et depuis quelques années, le parti libéral s’est créé une image de droite pour le moins conservatrice. Dans une Belgique francophone marquée par l’absence d’une extrême droite électorale forte, on pourrait même supposer que le MR a décidé de chasser sur ces terres « inoccupées ». Alors qu’en est-il réellement ? Serait-on face à une proximité idéologique assumée du MR par rapport à l’extrême droite ?
Qualifier l’extrême droite
Pour prendre cette question au sérieux, il faut certainement se demander ce qu’est l’extrême droite. Voici une proposition d’un corpus idéologique commun donnée par Benjamin Biard, chercheur au Centre de Recherche et d’Informations Socio-Politiques spécialisé sur l’extrême droite : «le rejet de l’immigration, voire la xénophobie, un projet autoritaire en matière de sécurité intérieure, et une rhétorique antisystème hostile aux partis politiques traditionnels et aux organisations classiques du mouvement ouvrier». Il décrit également l’extrême droite comme disposant d’un « un programme d’action radical, qui met sous tension le socle de valeurs et les principes qui caractérisent les démocraties libérales contemporaines (droits des minorités, État de droit, équilibre des pouvoirs…), voire qui menace la démocratie en tant que régime politique ».
Nous avons également pris en compte dans notre analyse l’importance du rôle des idées et de la circulation de celles-ci. Qu’on utilise le terme de « guerre culturelle » ou le concept de « fenêtre d’Overton », le principe est d’interroger comment des personnalités et discours politiques banalisent, rendent acceptables et diffusent des éléments idéologiques de l’extrême droite dans l’espace politique et médiatique.
Rejet xénophobe de l’immigration et politiques sécuritaires
Plusieurs sujets politiques majeurs peuvent être analysés. Commençons par la question de l’immigration, thématique centrale s’il en est aux mouvements d’extrême droite, à propos de laquelle la politique du MR peut être qualifiée de « dure » et xénophobe. On retrouve une vision rétrograde et déshumanisante de l’immigration illégale comme composée de personnes ayant fait le choix de l’illégalité, méconnaissant et minimisant les réalités poussant à entreprendre une migration incertaine et périlleuse. En outre, pour les cas de la Wallonie et de Bruxelles, l’emploi belge est opposé à l’emploi étranger, mettant artificiellement dos à dos la mise à l’emploi des chômeurs et chômeuses et une migration économique harmonieuse, comme si la cohabitation des deux était inconcevable.
En 2023, le ministre Willy Borsu va plus loin en liant le sujet du terrorisme et de l’immigration avant de plaider pour un « renforcement massif contre l’immigration illégale [et aucune] régularisation massive de sans-papiers » . Dans le programme électoral pour 2024, le Mouvement Réformateur promeut la création de nouveaux centres fermés et le renforcement du contrôle des rapatriements forcés vers des pays tiers. Le parti libéral plaide également pour un renforcement des « frontières intelligentes ». Derrière ces mots orwelliens s’il en est, se cache une série de technologies de contrôle des déplacements des populations dont Amnesty International a déjà pointé les dangers qu’elles pouvaient représenter pour les droits humains.
Les positions xénophobes face aux enjeux de l’immigration se croisent parfois avec les tendances à la promotion de politiques répressives suivies par le MR – et également caractéristiques des mouvements d’extrême droite. Le président se lamentait récemment sur la proportion de détenus étrangers dans nos prisons. Au lieu de contextualiser ce chiffre, de donner les raisons d’une telle proportion (connues et étudiées : davantage de contrôles, de détentions préventives, etc… ), le président du MR a préféré attiser la xénophobie. De nombreux observateur.ices anonymes sur les réseaux sociaux ont d’ailleurs bien noté que cette sortie du président libéral le rapprochait des publications d’un petit parti d’extrême droite wallon (dont nous tairons volontairement le nom).
De manière générale concernant le répressif, le MR n’est pas à la traîne. On se souviendra par exemple de la position guerrière des bleu.es sur le sujet du trafic de drogue, voulant criminaliser les consommateur.ices « qui auraient du sang sur les mains », allant totalement à l’encontre de ce que peuvent expliquer les professionnel.les du terrain. Autre exemple, en 2023, le ministre Willy Borsu se déclare favorable à la suppression des allocations familiales pour les petits délinquants à répétition. Quelques jours plus tôt, en France, la Ligue des Droits Humains pointait les dangers de cette même mesure proposée par… le Rassemblement National. Ces deux exemples sont à l’image de ce qu’on peut retrouver dans le programme électoral des libéraux pour 2024 : durcissement du côté répressif du système judiciaire, durcissement et prolongation des peines de prison, renforcement de la présence policière dans l’espace public (quand il ne s’agit pas de l’armée), absence de mesures réelles pour adresser les problèmes de violences policières, etc.
Le tableau de ces lignes politiques laisse rêveur : une perspective sociétale des plus sécuritaires et liberticides pour un parti soi-disant… « libéral ».
L’islamophobie, caractéristique récurrente des extrêmes-droites européennes contemporaines.
Dans la même lignée xénophobe que celle de l’immigration mentionnée précédemment, le MR a décidé depuis une décennie au moins de déplier un discours islamophobe, thématique récurrente dans l’ensemble de l’extrême droite en Europe. Le parti dénonce régulièrement le danger de « l’islamisme radical » qui guetterait la Belgique sans pouvoir avancer de véritables preuves. Chaque polémique sur le voile ou la nourriture hallal est une occasion pour le parti libéral d’attaquer les populations musulmanes de Belgique. Dans le discours des bleu.es, le port du voile est décrit comme soumission patriarcale, voire un premier pas vers un islamisme radical, niant complètement la polysémie que celui-ci peut recouvrir. Sans parler de l’ensemble des pays (voire même des villes de Belgique) où celui-ci ne pose naturellement aucun problème.
Le discours du MR reproche sans cesse leur « communautarisme » aux communautés musulmanes, leur construisant une image d’une population qui poserait problème à la société belge, notamment en ne respectant pas ses valeurs, et ce au moins depuis 2009. L’islam est perpétuellement pointé du doigt comme une religion rétrograde et sexiste. Le discours du MR fait également peser en permanence une suspicion sur les personnes musulmanes, participant à leur altérisation. Ainsi toute personne peut être associée aux Frères musulmans, figure repoussoir d’islamistes prêts à asservir l’Europe, suspicions parfois suivies sans esprit critique par la presse. Ces propos participent à une « racialisation culturelle » et une « racialisation conspiratoire » tels qu’expliqué par le sociologue Zia-Ebrahimi. La « communauté musulmane » est érigée en communauté distincte de la « nôtre », monolithique, dangereuse, à travers un discours de la différence culturelle et de la menace civilisationnelle. Ce discours est tenu par plusieurs personnes au MR, et notamment par la polémiste Nadia Geerts, membre du Centre Jean Gol.
La crédibilité scientifique du Centre Jean Gol a déjà été l’objet de nombreuses critiques fondées que nous n’aurons pas l’occasion de développer ici. On se contentera de mentionner que dans son avant-dernier livre « Neutralité ou Laïcité », l’autrice prolifique cite en conclusion Lorenzo Vidino. Cette universitaire, impliqué selon Mediapart et The New Yorker, dans les Abou Dhabi Secrets, explique – dans le passage cité d’un de ses textes « La montée en puissance de l’islamisme woke dans le monde occidental » – que la « stratégie islamiste » consisterait à « d’une part, diffuser leur vision politico-religieuse du monde au sein des communautés musulmanes occidentales ; d’autre part, influencer les politiques publiques et les débats occidentaux sur les enjeux qui les importent ».
Par ailleurs, en 2013, le sociologue Maxime Michiels dénonçait l’utilisation par Marie-Christine Marghem d’un imaginaire utilisé historiquement par des mouvements antisémites, qualifiant la Wallonie picarde d’ « environnement déjà largement infecté par les tentacules rouges de la pieuvre du laxisme et de la rage taxatoire », ciblant l’influence socialiste dans la région. La critique a d’ailleurs été récemment remise sur la table par Jean-Luc Crucke (Les Engagés, ex-ministre MR) lors d’une interview à la Libre Belgique.
Plus largement sur le sujet, les exemples de positions racistes affluent chez les libéraux. Une vidéo de 2022 est diffusée par le MR sur les réseaux sociaux comparant Bruxelles au Congo et utilisant ce dernier pays comme une comparaison dénigrante, (sans même mentionner le rapport historique colonial qui lie le Congo et la Belgique). Toujours en 2022, le parti libéral défend de manière absolue le Père Fouettard et la pratique du Blackface Tous ces exemples étoffent un peu plus le portrait d’un MR partageant, à de nombreux moments, un discours raciste.
Questions de genre : sexisme ordinaire, traitement laconique et fémonationalisme
Qu’en est-il des questions de genre ? De manière générale, les discours d’extrême droite se caractérisent par leur sexisme, leur misogynie, leur vision patriarcale du rôle des femmes dans la société mais également parfois par la mobilisation des thématiques féministes au service de leurs obsessions racistes. Retrouve-t-on ces caractéristiques dans les discours et pratiques du MR ? Dans la presse, quelques faits interpellant ressortent sur le sujet. Par exemple, en 2022, Frédéric Petit, bourgmestre MR de Wezembeek-Oppem, avait tenu des propos patriarcaux/liberticides en se déclarant opposé au droit à l’avortement libre. Devant les critiques exprimées tant en externe (comme par exemple de Paul Magnette et Fadila Laanan) qu’en interne au parti (notamment de Denis Ducarme et Olivier Destrebecq), Georges-Louis Bouchez l’avait déjà défendu à l’époque au nom du droit à la liberté d’expression. Dans le volet sexisme ordinaire, toujours en 2022, Marie-Christine Marghem (ex-ministre MR) avait aussi traité Nadia Naji, coprésidente de Groen, de « pauvre fille qui jacasse » reprenant là les poncifs sexistes déployés lorsque des femmes prennent la parole. La coprésidente avait réagi en comparant les « discours de droite, très agressifs » du MR à celui de la NVA. On se souviendra également de l’épisode de 2020 où, faisant fi du minimum de « parité » à deux-tiers d’hommes et un tiers de femmes dans l’exécutif wallon, Georges-Louis Bouchez avait nommé Daniel Ducarme ministre à la place de Valérie de Bue avant de se rendre compte de l’illégalité de la chose.
Il est sans doute difficile jusque-là de parler d’éléments distinguant spécifiquement le MR comme parti plus misogyne ou patriarcal que les autres dans une société où le patriarcat reste le système d’agencement des relations de genre et où le sexisme ordinaire est toujours bien présent au MR et ailleurs. Toutefois, on remarquera que – dans le programme électoral du parti libéral pour 2024 – des thèmes particulièrement centraux pour les associations féministes comme les violences sexistes et sexuelles ou les questions de genre sont abordées de manière relativement laconique. De plus, lorsque ces questions sont abordées, leur réappropriation est dans certains cas à la limite de l’instrumentalisation et du fémonationalisme, (compris comme « l’instrumentalisation de la rhétorique des droits des femmes à des fins de justification de politiques racistes et anti-immigrations »). On retrouve par exemple le droit de disposer de son corps mis face à l’obscurantisme religieux (pas au patriarcat) ou la dénonciation du harcèlement de rue dans les transports et espaces publics qui mène à défendre plus de surveillance en leur sein…
Hostilité face aux syndicats et aux médias
Le corpus idéologique commun de l’extrême droite proposé par B. Biard inclut une rhétorique antisystème hostile aux partis politiques traditionnels et aux organisations classiques du mouvement ouvrier ainsi qu’une mise sous tension du « socle de valeurs et [des] principes qui caractérisent les démocraties libérales contemporaines (droits des minorités, État de droit, équilibre des pouvoirs…), voire qui menace la démocratie en tant que régime politique ».
Là encore, le président montre la voie. Les déclarations hostiles aux syndicats sont légion, mais celle comparant les syndicats à des mafias se distingue certainement. Cela peut sembler risible mais cette hostilité démesurée est en fait directement dirigée vers nos droits en tant que citoyens et s’incarne clairement dans le programme du parti libéral pour 2024. Le MR entend supprimer « le rôle des différents syndicats en matière de paiement des allocations de chômage […] », leur attribuer un rôle consultatif dans les instances de codécision au sein des organismes publics et diminuer leurs financements. Le parti « libéral » entend également s’attaquer aux moyens d’action des syndicats : grèves et manifestations. A travers ces positions, ce sont des parties essentielles de notre démocratie qui sont attaquées : le rôle des syndicats pour défendre les droits des travailleurs et des travailleuses, leur place dans le système de sécurité sociale, notre droit à l’action collective, que ce soit à la manifestation ou à la grève.
Dans les institutions démocratiques que le président du MR n’aime pas beaucoup non plus, on compte également les médias qu’il arrose de critiques . Récemment, même le journal La Libre, souvent placé entre le centre droit et la droite sur l’échiquier politique, s’est vu traité de tabloïd par le chef des libéraux. Cependant, les hostilités franches commencent réellement lorsqu’il est question du service public (télévision mais surtout radio avec la chaîne La Première), où il est pourtant régulièrement reçu également. Il ne faut sans doute rappeler à personne le rôle démocratique que jouent les médias dans nos sociétés. Le service public a comme spécificité supplémentaire d’être un média qui n’appartient pas à un propriétaire privé mais doit répondre aux besoins de la collectivité. S’il est évident que les médias doivent pouvoir être critiqués (logiques économiques prioritaires sur l’information, entre-soi et manque de diversité, infotainment et mélange de genres, désaccords sur une ligne politique…) les attaques virulentes de George-Louis Bouchez ressemblent plus à celles d’un homme incapable de tolérer leur fonctionnement démocratique qu’à une critique constructive et pertinente des médias.
Dont acte. Le Mouvement Réformateur demande dans son programme 2024 une réduction de la dotation de la RTBF. Pourtant, laisser – progressivement – l’espace médiatique au privé n’est sûrement pas un pari gagnant. A cet égard, le paysage médiatique de la France, et sa figure emblématique Vincent Bolloré, doit être un avertissement. Cerise sur le gâteau, le programme explique aussi que l’intégration de l’intelligence artificielle pourra permettre de diminuer également la dotation de la RTBF… on rirait presque en imaginant François de Brigode enfin détrôné par…une intelligence artificielle. Mais l’idée de laisser l’IA prendre une place de plus en plus importante dans la production et la diffusion de l’information doit certainement nous interroger. Le travail d’information et journalistique ne peut pas être fait sans des moyens importants. Ce travail a toujours été au service de la démocratie et la possibilité d’agir en tant qu’acteur.ices, de prendre part aux luttes politiques dans notre société, dépend de la robustesse des médias procurant ce travail.
Le Far West des Réseaux Sociaux
Sur les réseaux sociaux, les membres du MR naviguent – sans trop se cacher – en eaux troubles. X (anciennement Tweeter) est devenu une sorte de Far West où ils et elles n’hésitent pas à suivre et repartager des comptes aux propos racistes et sexistes. Nous n’allons pas trop nous attarder sur ce point, … mais citons quelques exemples toutefois. Retweet par le président d’un tweet contre le PS – jusque là, rien à redire – mais proposant un #afuera, référence directe au nouveau président d’extrême droite argentin ; un compte twitter à la description transphobe suivi par Marie-Christine Marghem et Denis Ducarme ; Pierre-Yves Jeholet qui défend CNEWS, le partage d’un tweet décrivant la députée Danièle Obono en France comme s’exprimant « comme un gitan » par George-Louis Bouchez ; et bien sûr le retweet du « célèbre » militant identitaire et raciste Damien Rieu, encore une fois par le président du MR lui-même, le tweet parlant « d’une colonie islamique ». Il ne s’agit ici que d’un échantillon mais les posts et reposts de Georges-Louis Bouchez et ses collègues libéraux se comptent en dizaines chaque jour, dans lesquels on parle bien plus de wokisme, d’identité belge en l’opposant à l’islam et à l’immigration que de baisse de taxes ou de la liberté d’entreprendre…
Ce qui devait arriver arriva. Le 12 octobre 2022, George-Louis Bouchez tweet « Les dérives wokistes amènent à une société où seules la stupidité et une éventuelle culpabilité triomphent. Respectons les traditions, réglons les véritables problèmes et cessons de détruire notre culture, également sous ses aspects populaires ». Il sera retweeté par un petit parti d’extrême droite wallon connu des observateur.ices de l’extrême droite en Belgique, avec en exergue : «La preuve que [notre] combat […] pour la défense de nos idées #identitaires permet à celles-ci de se développer, même dans les partis traditionnels ».
Le MR est-il un parti d’extrême droite ?
Conclusion de cette première partie, le MR, dans ses déclarations ou ses politiques, va-t-il vers l‘extrême droite ? On a pu constater une hostilité à l’immigration doublée d’un discours épisodiquement raciste, voire structurellement concernant l’islamophobie. Face à cette immigration qu’il considère comme une menace, le parti libéral propose une politique sécuritaire. On retrouve également cette politique sécuritaire dans la gestion de la consommation de drogues, de la délinquance et du système judiciaire et répressif. Concernant les droits des femmes, le MR se distingue surtout par l’absence de positions fortes concernant les revendications féministes et par une tendance au fémonationalisme. Le parti, et son président, mènent une petite guerre aux syndicats et aux médias, deux institutions démocratiques s’il en est. Dans ses alliances et dans ses recrutements mais aussi sur les réseaux sociaux, le MR partage, propage, diffuse, met en avant des idées et personnalités d’extrême droite. Les proximités programmatiques ont également été mises en avant avec les petits partis d’extrême droite wallons.
Tout cela fait-il du MR un parti d’extrême droite ? Difficile à dire. Quand s’arrête la droite et commence l’extrême droite ? A partir de quand est-ce que des éléments de langage peuvent changer l’étiquette qu’on donne à un parti ? Tout cela est-il vraiment neuf ? Car il est certain que des éléments cités plus haut sont présents dans le parti libéral bien avant l’arrivée de Georges-Louis Bouchez,et même du changement de nom « Mouvement Réformateur ». Roger Nols a certainement été pointé du doigt avant lui.
Ce qui est sûr, c’est que le Mouvement Réformateur participe à la normalisation de l’extrême droite et à l’extrême-droitisation du champ politique et médiatique belge. Le parti introduit et diffuse des idées racistes et xénophobes. La progression de l’extrême droite ne peut pas être comprise – ou pas seulement – comme le vote égaré d’une population qui se laisserait aller à ses passions tristes. Elle doit être analysée en terme de circulation et de diffusion de ses idées dans l’espace politique et médiatique. Le MR fait circuler les idées du danger islamiste qui nous guette, du communautarisme, du wokisme, des syndicats-mafias, des médias tous pourris… « Si l’extrême droite dit que le terre est ronde, dois-je dire que la terre est plate ? » aime à déclarer le président. Sauf que l’extrême droite ne dit pas que la terre est ronde : elle diffuse ses obsessions racistes, sexistes, lgbtqia+phobes à longueur de journée. Elle s’attaque à la solidarité et propage la haine. Les journalistes laissent souvent filer cette phrase comme s’il s’agissait d’une réponse satisfaisante. Nous sommes en droit d’attendre d’elleux qu’iels interrogent les personnalités du MR sur cette affirmation. De Georges-Louis Bouchez à Sophie Wilmès.
Départs du MR
D’ailleurs, plusieurs personnes ont décidé de quitter le MR pour ce genre de positions proches de l’extrême droite. Jean-Luc Crucke claque la porte du parti en 2023, fustigeant notamment la déclaration de Georges-Louis Bouchez se disant plus proche d’Eric Zemmour que de Valérie Pécresse. Si le départ de l’ancien ministre a fait grand bruit, d’autres lui ont emboîté le pas. C’est le cas de Khadija Boudiba qui quitte le parti libéral en février 2024. Elle décrit les positions prises au plus haut niveau du MR comme inacceptables, tant en tant que femme qu’en tant que personne issue d’une double culture. Pierre Pinte, tête de liste MR à Tubize en 2012, parle lui de droite néoconservatrice pour décrire le parti libéral. Quant aux autres, c’est plus difficile à dire. Si on veut croire que certaines personnalités considérées comme plus « respectables » comme Sophie Wilmès ne sont pas d’office en accord avec la ligne de Georges-Louis Bouchez, cela voudrait cependant dire qu’elles acceptent de fermer les yeux sur les formes que cette ligne prend dans les activités du parti.
Cordon sanitaire et rôle des médias
Face à constat, le collectif Vigilance Cordon Sanitaire a décidé d’interpeller les médias. Le cordon sanitaire médiatique est un outil important et a contribué à l’absence de partis d’extrême droite électoralement forts. Mais que faire quand les discours racistes et anti-démocratiques proviennent de partis qui ne sont pas exclus par le cordon sanitaire ? Les personnalités du MR peuvent-elles continuer à distiller des petites phrases, des « dérapages » tout à fait contrôlés, et se faire interviewer le lendemain comme si de rien était sur d’autres sujets ? Comptent-ils continuer à appeler le Mouvement Réformateur un parti « de droite » ? Y-a-t-il une réflexion dans les rédactions médiatiques sur la manière de traiter ce genre de problème ?
La question se pose concernant le MR de manière importante mais elle peut tout à fait se poser autre part. Que faire du « retour » de Connor Rousseau après son « départ » pour le moins éclair ? De manière plus générale, l’extrême droite monte partout en Europe et arrive au pouvoir à certains endroits. Les médias belges sont-ils armés pour se défendre face à un camp politique qui – sans nul doute – s’attaquera à eux ? Disposent-ils de connaissances suffisantes pour traiter ce sujet ? Nous nous posons la question et nous espérons une réponse.