Le 5 décembre, Mathieu Bock-Côté, chroniqueur de CNEWS, la chaîne de télévision du milliardaire Vincent Bolloré, donnera une conférence dans un lieu encore inconnu d’Ixelles. La conférence est organisée par le Club de Pan, émanation du journal éponyme « PAN », propriété de l’homme d’affaires John-Alexander Bogaerts. Ce dernier, figure de la bourgeoisie bruxelloise, entretient des liens importants avec l’extrême droite franco-belge, ce qui devrait suffire à le rendre largement infréquentable. Toutefois – notamment grâce sachaîne de clubs d’affaires « B19 » – il dispose d’un réseau impressionnant dans les milieux économiques, politiques, journalistiques… et jusqu’au gouvernement. Portrait de ce bourgeois d’extrême droite que tout le monde connaît.
Titres
- Implication dans les réseaux d’extrême droite : Destexhe, de Lamotte, Stérin et Bolloré
- Un infréquentable si fréquenté : proche du MR, ex-animateur sur LN24 et chroniqueur sur RTL
- Après Adrien Dolimont en novembre à Liège, Bernard Quintin à Ixelles en janvier 2026 : un rendez-vous à ne pas manquer ?
- Conclusion et comment lutter ?
Implication dans les réseaux d’extrême droite : Destexhe, de Lamotte, Stérin et Bolloré
La proximité de John-Alexander Bogaerts avec l’extrême droite ne se résume pas uniquement aux écrits du PAN – dont nous vous parlons dans cet article-ci, celui-ci parlant également également de sa chaîne de club d’affaires B19. Il connaît et s’organise avec plusieurs personnalités françaises ou belges issues des milieux conservateurs et réactionnaires, et met ses moyens à leurs dispositions.
En 2014 déjà, il accueillait – malgré les contestations – Éric Zemmour au B19 à Uccle. À l’époque, le racisme et le sexisme du commentateur politique ne font déjà aucun doute, il a d’ailleurs déjà été condamné en 2011 pour provocation à la discrimination raciale.

Autre personnage qui compte parmi les proches de John-Alexander Bogaerts : Alain Destexhe. Cet homme politique, dont nous vous avons déjà parlé ici, est un ancien membre du Mouvement Réformateur. Il quittera le parti – pas assez à droite à son goût – en 2019 pour fonder ses propres listes pour les élections législatives. Le B19 se fera donc une joie d’accueillir les réunions publiques des « Listes Destexhe » en vue des élections.
Après un résultat (très) décevant, Alain Destexhe rejoindra l’équipe de campagne d’Éric Zemmour pour les élections présidentielles de 2022. Encore aujourd’hui, Alain Destexhe anime de nombreuses conférences du Club de Pan au B19.
Toujours dans cette galaxie – qu’on commence à bien connaître – Aymeric de Lamotte est également un habitué du B19. Celui-ci – proche d’Alain Destexhe et ancien du MR – est l’avocat de toutes les causes réactionnaires via le collectif Justicia et membre de l’Institut réactionnaire Thomas More, comme nous vous l’expliquions ici.
En 2022, après avoir été chassé de l’Institut Marie Haps par la mobilisation antifasciste, c’est au B19 qu’Aymeric de Lamotte organisera la venue de Mathieu Bock-Côté (déjà) avec son think tank l’Institut Thomas More. Rebelote pour la venue du Mathieu Bock-Coté en décembre 2023 où c’est Alain Destexhe qui animera cette fois la conférence. En 2024, Aymeric de Lamotte invitera également les militantes transphobes Dora Moutot et Marguerite Stern dans les locaux du B19 à l’Axis Parc de Mont-Saint-Guibert. L’événement devra être délocalisé, une nouvelle fois suite à la mobilisation militante. En effet, l’Axis Parc – dont le B19 occupe un « espace événementiel géré de manière autonome » – s’était opposé à la tenue de cet évènement après avoir été alerté par la mobilisation du collectif Louvain-la-déTERF. Selon l’Axis Parc « les thèmes annoncés pour cette conférence ne reflètent en rien les valeurs de l’Axis Parc, qui se veut un lieu d’innovation, d’ouverture, d’inclusivité et de respect de toutes les personnes, quelles que soient leur identité de genre ou leur orientation ».

« À la soirée des 80 ans du journal Pan avec l’ami John-Alexander Bogaerts.
Cet hebdo frondeur sans tomber dans la provocation — parce qu’il veut servir utilement le débat public — a bravé les décennies et s’est créé une place atypique dans le paysage médiatique belge, sans subside ni publicité.
John-Alexander aurait pu laisser couler le journal depuis longtemps. Il ne l’a pas fait par fidélité familiale, mais aussi parce qu’il sait l’importance d’une presse libre dans une Belgique francophone où la pensée est arasée par un débat formaté et assoupi. «

Derrière Aymeric de Lamotte et l’Institut Thomas More plane l’ombre du milliardaire Pierre-Édouard Stérin, dont nous vous parlions également ici. Le journal l’Humanité a révélé en 2024 le plan PERICLES de ce catholique intégriste pour faire parvenir l’extrême droite au pouvoir. Le milliardaire finance notamment le collectif Justicia dont fait partie Aymeric de Lamotte, et très probablement l’Institut Thomas More. Il n’est donc pas étonnant de voir Pierre-Édouard Stérin à la conférence de Mathieu Bock-Côté en 2022 au B19.
Le milliardaire est également l’organisateur des Nuits du Bien Commun, « galas de charité » organisés partout en France au profit d’associations conservatrices et réactionnaires, notamment anti-IVG. Une version belge de ces nuits du Bien Commun a eu lieu à trois reprises également. Si les associations belges en bénéficiant ne peuvent clairement pas être rattachées à des idéologies d’extrême droite, ces évènements servent malgré tout de de vitrine à l’entreprise politique du milliardaire. Une mobilisation de collectifs avait eu lieu pour dénoncer l’édition de cette année. La Fondation Roi Baudouin a d’ailleurs retiré son soutien à l’événement en août 2024. Ce qui n’a pas empêché John-Alexander Bogaerts d’être le co-animateur de l’édition 2025 semblant confirmer les bons liens qu’il entretient avec la galaxie Stérin.
Mais l’homme d’affaires bruxellois est également lié à un autre milliardaire raciste et conservateur : Vincent Bolloré. En octobre 2023, le fils de celui-ci, Yannick Bolloré est accueilli pour un afterwork au B19. Il est PDG de Havas, société de communication de l’empire Bolloré et a co-fondé H20, boite de production de Touche Pas à Mon Poste de l’animateur Cyril Hanouna, autre figure de cette nébuleuse d’extrême droite.

Mais ce n’est pas tout, John Alexander Bogaerts est devenu récemment chroniqueur sur l’émission « 100% Politique » de la chaîne CNEWS, figure de proue de l’entreprise idéologique du milliardaire breton. Là il peut discuter avec de nombreux représentants de l’extrême droite dont notamment Erik Tegnér, fondateur du magazine raciste Frontières. En tenant le rôle du belge rigolo de service – qu’il incarne à merveille – il peut dire au sujet des mariages de personnes en situation irrégulières que c’est exactement « le symbole de la décadence de l’Occident et de notre Europe qui est complètement morte » et traiter la RTBF de « télé trotskyste ». Il peut également renseigner ses amis français sur le fait que nous vivons en Belgique en « dictature trotskyste[…]dictature de la presse [où] CNEWS serait malheureusement impossible » devant un plateau abasourdi par cette « dictature de la bien-pensance ».
Ce mercredi 26 novembre, Reporters Sans Frontière a sorti une enquête démontrant comment CNEWS contournait le règlement en matière de pluralisme et de temps de parole pour servir l’extrême droite. Cette chaine a par ailleurs servi de rampe de lancement pour la campagne électorale d’Éric Zemmour. Avec l’autre chaine de Vincent Bolloré, C8, CNEWS a reçu 52 sanctions pour des mensonges concernant le droit à l’IVG, mensonges islamophobes, propos racistes, propos climato-sceptiques, propos validistes, agressions sexuelles en plateau, diffusion de théorie du complot, etc. On notera notamment la sanction de 200.000€ pour des insultes d’Éric Zemmour contre les personnes migrantes.
Un infréquentable si fréquenté : proche du MR, ex-animateur sur LN24 et chroniqueur sur RTL
En étant propriétaire du Journal PAN et compagnon de route de l’extrême droite franco-belge, John-Alexander Bogaerts devrait être un infréquentable dans un pays où les cordons sanitaires politiques et médiatiques – bien que subissant des nombreuses entailles et attaques – sont toujours bien réels. Bien sûr, l’existence et la fréquentation du B19 viennent immédiatement contredire ces intuitions. Mais au-delà du B19 – et aussi grâce à lui sans doute – John-Alexander Bogaerts connait beaucoup de monde, et notamment au Mouvement Réformateur, qui semble entretenir des liens privilégiés avec le club d’affaires.
Le MR constitue – et de loin – le parti le plus représenté parmi les invités du B19. Certains évènements sont labelisés « B19 » quand d’autres sont des évènements du « Club de Pan ». Mais ils sont également présents aux festivités organisées par celui-ci. Sur les photos des fêtes organisées par le club d’affaires, on peut régulièrement croiser David Leisther et Françoise Schepmans. John-Alexander Bogaerts est également proche d’Olivia Bodson, conseillère communale et présidente du centre culturel d’Uccle (oui, celui qui a déprogrammé Guillaume Meurice) qu’il a soutenu lors des élections via un statut Facebook et par extension avec Boris Dillès. Ce dernier était d’ailleurs présent au Gala du Pan de 2019 au coté de Clémentine Barzin et… Sophie Wilmès.
Sophie Wilmès semble bien connaître John-Alexander Bogaerts puisqu’elle se rendra au B19 en février 2020 en tant que première ministre et reviendra en mai 2025. Si on peut imaginer que Sophie Wilmès se rende à un évènement pour entrepreneurs du B19, il est nettement plus compliqué de comprendre sa présence au Gala d’un journal raciste, d’autant plus qu’elle est déjà ministre du Budget. Le nombre d’évènements liés à John-Alexander Bogaerts où Sophie Wilmès est présente laisse imaginer une proximité certaine entre les deux personnalités.
George-Louis Bouchez a l’air lui d’être très apprécié du Journal Pan et il a lui aussi déjà été invité par le B19. Deux personnalités font encore le lien entre le Pan, le B19 et le président du parti « libéral ». D’une part la caricaturiste « Oli » du PAN travaille régulièrement pour Georges-Louis-Bouchez et le MR (ainsi que pour les médias de Sudpresse). D’autre part, le nouveau « Spin Doctor» – quel mot on inventerait pas pour se faire mousser – de GLB, Yassine Rafik, est ambassadeur du B19 afin « d’incarner les valeurs et la vision de leur nouveau business club ».
Ci-dessous quelques photos illustrent les liens réguliers entre John-Alexander Bogaerts, le B19, le PAN et le MR.















John-Alexander Bogaerts a également des affinités importantes avec le monde médiatique. Chez LN24 d’abord où on lui confie une chronique avant de lui donner une émission en soirée – le John Late Show – de 2020 à au moins 2023. Il y recevra toute une série d’invités dont notamment plusieurs membres du MR.
Cette émission est peut-être due à la proximité de John-Alexander Bogaerts avec le journaliste Martin Buxant, fondateur et ancien journaliste de la chaîne, présent régulièrement au B19 en tant qu’invité ou animateur d’évènement. Le journaliste quittera LN24 en 2023 pour rejoindre RTL… que John-Alexander Bogaerts rejoindra également en tant que chroniqueur chez Thibaut Roland, journaliste qui officie à la fois chez RTL et LN24.
En dehors des journalistes, John-Alexander Bogaerts a également des amis chez les patrons de presse.. Ainsi il est proche de Christian Van Thillo, administrateur de DPG Media, qui détient notamment VTM, Het Laatste Nieuws, de Morgen et 50%… de RTL Belgium. et Philippe Delusinne, ancien patron de RTL-TVI mais également… un temps vice-président et ambassadeur actuel du B19.
Tout ceci n’est qu’un aperçu des réseaux dont dispose probablement John-Alexander Bogaerts. Faire un état des lieux complet demanderait peut-être de faire un scan de la grande galerie photo disponible – pour le moment ? – sur le site du B19. Mais il est sûr et certain que celui-ci dispose de nombreuses relations et réseaux parmi les plus grandes fortunes et entreprises du pays. Sans parler de son école de programmation informatique Ecole 19, où on retrouve encore Marc Raisière (CEO de Belfius) et Christian Van Thillo (Persgroep) et de la Bogaerts International School à 19.000€ l’année, ou du tournoi franco-belge de golf de grands patrons auquel il participe. Par ailleurs, le B19 a organisé égalemet au moins u voyages d’affaires en République Démocratique du Congo. Il serait intéressant d’investiguer davantage ces liens avec la RDC, le néo-colonialisme n’étant jamais bien loin dans ce genre de relations. En 2019, le B19 accueillait d’ailleurs la « première université d’Eté » de l’URBA, organisation d’anciens colons et de nostalgiques de la colonisation.
Après Adrien Dolimont en novembre à Liège, Bernard Quintin à Ixelles en janvier 2026 : un rendez-vous à ne pas manquer ?
Début novembre c’est Adrien Dolimont Ministre-Président de la Wallonie qui était présent lors d’une soirée au B19 de Liège, démontrant que la proximité de son hôte avec l’extrême droite ne le dérangeait nullement.
Le 13 janvier, le B19 organisera également une rencontre avec Bernard Quintin, ministre de l’intérieur, et auteur du projet de loi du même nom « le Projet de Loi Quintin ». La conférence prévue s’intitule « La sécurité est notre première liberté » paraphrase du fameux slogan du FN de Jean-Marie Lepen « La sécurité… première des libertés ». Le ministre y défendra sûrement son projet de Loi au sujet duquel de nombreux collectifs (Réseau Ades, Soulèvements de la Terre – Bruxelles, AFA, C3, PCP, BX Dévie), associations (LDH, Greenpeace, Amnesty, syndicats,…) et institutions (Institut Fédéral pour les Droits Humains) ont alerté : dérive autoritaire, violation de la séparation des pouvoirs, mesures visant à dissoudre les collectifs antifascistes qui luttent contre l’extrême droite, le projet – soutenu par tous les partis de l’Arizona dont les Engagés et Vooruit – est clairement nauséabond. Ce n’est pas étonnant que ce projet de loi plaise au B19 et à son tenancier.


Une occasion pour les associations, syndicats, et collectifs de se réunir et protester ?
Conclusion et comment lutter ?
L’insertion de John-Alexander Bogaerts dans les réseaux économiques, politiques et journalistiques ne doit pas spécialement nous étonner. Elle démontre encore une fois l’importance de l’héritage d’un capital (financier, social et culturel) dans la reproduction des différentes élites (économiques, journalistiques, politiques,…). C’est un petit monde où tout le monde se connaît, en particulier dans un petit pays comme la Belgique.
Toutefois, cela démontre aussi à quel point les idéaux et idées de l’extrême droite sont présents ou tolérés dans ces milieux. Si tous les proches de John-Alexander Bogaerts ne partagent pas forcément les vues de celui-ci, ses activités devraient suffire à le rendre infréquentable auprès de toute personne à qui l’extrême droite est insupportable. Par ailleurs, John-Alexander Bogaerts met clairement le B19 au service de ses idées d’extrême droite, les membres et entreprises de ce club d’affaires sont complices s’ils continuent de le fréquenter une fois au courant de ces liens.
C’est également dans ce genre de lieux plus ou moins cachés du grand public que la séparation entre l’extrême droite et le reste du champ politique s’affaisse. C’est le travail des collectifs de lutte contre l’extrême droite, de montrer ces compromissions et de les dénoncer… Car visiblement les médias mainstream n’ont pas envie de le faire.


Ses émissions et chroniques sur nos médias démontrent chez ces derniers au mieux une incompétence au moment de repérer le danger de l’extrême droite, au pire un cynisme, voire une complicité. Le cas de LN24 doit singulièrement nous alerter tant la chaîne de télévision semble être un oiseau pour le chat Bolloré. Celui-ci pourrait rapidement transformer la chaîne d’info en CNEWS version belge. On sait par exemple que 21 News, média proche voire créé par le MR, est déjà infiltré par Vincent Bolloré. Le milliardaire pratique souvent la stratégie des petits pas pour prendre le contrôle d’entreprises ou d’organes de presse, ne nous laissons pas avoir et protestons dès maintenant. (Dans le cas de 21 News, c’est sûrement avec la complicité du média, à boycotter au plus vite).
La proximité du MR et de ses membres avec l’homme d’affaires ucclois n’est pas non plus une surprise. C’est une nouvelle pièce au dossier de l’extrême droitisation du MR. Nous vous renvoyons vers notre article écrit à ce sujet à notre lancement, mais également concernant le cordon sanitaire. Idéalement, il devrait y avoir une prise de conscience chez la presse mainstream. Malheureusement, on en est loin. C’est parce que ces médias ne comprennent pas le danger auquel nous faisons face avec le Mouvement Réformateur qu’ils ne sont pas capables de comprendre les moyens de protestation de plus en plus déterminés que la population met en place pour se protéger.
L’extrême droite ne débarque jamais uniquement avec des grosses bottes et des slogans racistes. L’extrême droite, c’est également un ensemble d’idées conservatrices, de pensées élitistes et réactionnaires présentes au sein de la petite et grande bourgeoisie qui préfèrent l’ordre et les systèmes de dominations – capitalistes, racistes, sexuels et genrés – aux idéaux progressistes. L’extrême droite n’arrive pas uniquement par les urnes mais également par les alliances, compromissions et aveuglements des élites.
Comment lutter ?
La chaîne B19 comprend de nombreuses « antennes ». Si certains de ces bâtiments lui appartiennent, d’autres antennes ne semblent être que des locaux qui leurs sont prêtés (aéroport de Charleroi, de Liège etc.) Les collectifs locaux peuvent mettre la pression sur les propriétaires de ces lieux d’accueil pour qu’ils cessent d’accueillir les activités du B19. Cela avait d’ailleurs fonctionné lors de la conférence transphobe qui devait avoir lieu dans l’Axis Parc de Mont-Saint-Guibert. Il est également possible de trouver sur le site les entreprises et personnalités (politiques, judiciaires, culturelles, économiques…) qui côtoient et participent aux activités du B19 et qui sont autant de personnes à contacter pour qu’elles cessent de collaborer avec le B19 et John-Alexander Bogaerts, ce bourgeois d’extrême droite que tout le monde connaît.



